L'Album
primo-avrilesque
C'était
en 18 ... (ça ne nous rajeunit pas, tout cela.)
Amené
à Paris par un mien oncle, en récompense d'un
troisième
accessit d'instruction religieuse brillamment
enlevé
sur de redoutables concurrents, j'eus l'occasion de
voir,
avant qu'il ne partît pour l'Amérique, enlevé à coups
de
dollars, le célèbre tableau à la manière noire, intitulé:
COMBAT
DE NEGRES DANS UNE CAVE, PENDANT LA NUIT (1)
(1)
On trouvera plus loin la reproduction de cette admirable toile. Nous
la
publions avec la permission spéciale des héritiers de l'auteur.
L'impression
que je ressentis à la vue de ce passionnant
chef-d'oeuvre
ne saurait relever d'aucune description.
Ma
destinée m'apparut brusquement en lettres de flammes.
-
Et moi aussi je serai peintre ! m'écriai-je en français
(j'ignorais
alors la langue italienne, en laquelle d'ailleurs je
n'ai,
depuis, fait aucun progrès). (1).
(1)
Allusion, sans doute, à la fameuse parole : Anch'
io son pittore.
Et
quand je disais peintre,
je m'entendais : je ne voulais
pas
parler des peintres à la façon dont on les entend le
plus
généralement, de ridicules artisans qui ont besoin de
mille
couleurs différentes pour exprimer leurs pénibles
conceptions.
Non!
Le
peintre en qui je m'idéalisais, c'était celui génial à qui
suffit
pour une toile une couleur : l'artiste, oserais-je dire,
monochroïdal.
Après
vingt ans de travail opiniâtre, d'insondables
déboires
et de luttes acharnées, je pus enfin exposer une
première
oeuvre:
PREMIERE
COMMUNION DE JEUNES FILLES CHLOROTIQUES
PAR
UN TEMPS DE NEIGE
Une
seule Exposition m'avait offert son hospitalité, celle
des
Arts
incohérents,
organisée par un nommé Jules Lévy,
à
qui, pour cet acte de belle indépendance artistique et ce
parfait
détachement de toute coterie, j'ai voué une
reconnaissance
quasi durable.
Si
j'ajoutai un mot à ces dires, ce serait un mot de trop.
Mon
OEUVRE parlera pour moi !
ALPHONSE
ALLAIS.
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