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Waarin de heer Antoine Minaret,
hoofdcommies der indirecte belastingen, uit voorzorg een papegaai
koopt voor zijn echtgenote, welke -- dat wil zeggen de papegaai --
zeer welbespraakt is, maar slechts één naam kent, en dat is niet
Antoine. |
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1898
Histoires gauloises
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Jack
Une
matinée d'avril, là où le Paris qui se réveille est le plus
grouillant peut-être, sur le quai de la Mégisserie où les oiseliers
viennent d'ouvrir leurs boutiques toutes grandes. Le soleil, en y
pénétrant avec une illusion de liberté, met en joyeuse rumeur toutes
les cages impatientes d'aurore, tout un monde de captifs salue la
lumière dans un grand frémissement d'ailes. Ainsi nos pensées,
prisonnières dans la mélancolie nocturne, fêtent, d'un besoin
d'envolée, les premières clartés du jour. Mais combien peu prennent
largement leur chemin vers l'azur où meurent les étoiles!
Ce
jour-là M. Antoine Minaret, commis principal aux contributions
indirectes, était sorti de bonne heure et justement pour cette
promenade, en ce point précis. M. Antoine Minaret avait son idée
celle d'offrir un perroquet à sa femme, un perroquet éloquent comme
un député. Il avait, en effet, réfléchi que la journée était longue,
pendant son propre séjour au bureau, pour une femme jeune, fort
agréable de sa personne, n'aimant guère la lecture et pas du tout la
solitude, ce qui était le cas de madame Minaret. Il s'était dit
encore que ces lentes heures de desœuvrement pourraient devenir
périlleuses à son honneur, que les galants ne manquaient pas dans
son quartier et qu'il était urgent de donner à cette recluse mieux
qu'une occupation, s'il était possible une affection innocente. Or,
les femmes aiment, en général, la conversation des perroquets
qu'elles ne distinguent pas beaucoup de celle des hommes, aimant
infiniment mieux parler qu’ écouter. Au fond, elles n'y perdent pas
grand chose. De là le choix de ce volatile pour charmer les loisirs
de sa légitime épouse.
Justement, dans un beau soleil où dansait à la brise printanière
l'ombre des feuillages naissants, un perroquet
de l'espèce dite amazone, vert avec un liséré rouge aux ailes
- et chacun sait que cette variété est cette
qui parle le mieux - s'ébrouait, secouant ses plumes humides
des pleurs de l’ arrosoir en jacassant sur un ton à la fois aigre et
puissant. « Que sait il dire? demanda la bureaucrate au marchand.
Tout, lui répondit celui-ci. Pas de gros mots, au moins? Aussi bien
élevé que monsieur lui-même. Et il s'appelle?
Jacquot. Mettons Jack, c'est plus distingue. Le marché fut
rapidement conclu, et M. Minaret, très fier de son achat, l'emporta,
toujours causant, à la maison.
Au fond,
son idée n'avait pas été mauvaise. Madame Minaret qui nourrissait,
en secret, de mauvaises intentions, en retarda l'exécution, touchée
qu'elle était de ce présent. Vite, on ouvrit, comme un volume, le
vocabulaire du nouveau venu. L'oiselier n'avait pas menti. Jack
disait infiniment de choses, et une distinction parfaite présidait à
ses propos. Ses nouveaux patrons étaient donc enchantés quand, d'une
petite voix câline, ressemblant fort, très fort, à l'organe de
madame Minaret, l'oiseau se mit a dire, en penchant coquettement sa
tête sur le haut de son aile:
-
Bonjour, mon petit Félix adoré!
- Ça,
c'est de trop, fit vivement M. Minaret. Il faudra que tu lui
apprennes à dire Antoine, au lieu de Félix. Mais quand les
perroquets sont butés à une phrase, vous ne leur y feriez pas
changer un mot pour un saladier de vin sucré.
Et, sans doute, celui-ci avait entendu longtemps et souvent celle
qui avait choqué M. Minaret. Car la substitution d'Antoine à Félix y
fut absolument impossible.
- Au
fond, qu'est-ce que ça te fait? dit madame Minaret, en riant, à son
mari.
- Ce que
ça me fait! Tu es bien bonne! Je n'ai pas envie qu'on croie, en
l'écoutant, que tu reçois, pendant que je ne suis pas là, un
amoureux dénommé Félix!
-
Monsieur Minaret..!
Le monde
est méchant, ma chère. On en ferait des gorges chaudes certainement.
-
Comment faire alors? Je vous préviens que je suis déjà très attachée
à cet oiseau qui me vient de vous, et ne m'en séparerai à aucun prix.
- Alors,
c'est bien simple. C'est moi qui vais changer de prénom.
Et comme
elle regardait, un peu surprise:
- Il n'y
a guère que toi qui m'appelles par mon prénom, continua-t-il, et
quelques camarades de bureau. Tu es déjà dans la confidence, et, aux
autres, je conterai quelque bourde. Félix Minaret est d'ailleurs
plus joli et plus euphonique qu'Antoine Minaret. C'est convenu,
madame, et je vais me commander des cartes de visite sur l'heure. Et
vous, monsieur l’entête, vous pourrez maintenant répéter tant qu'il
vous plaira:
-
Bonjour, mon petit Félix adoré...
car Félix ce sera moi.
Et M.
Minaret fit exactement comme il avait dit.
Quand
ses compagnons de travail surprirent une de ses nouvelles cartes,
ils furent assez interloqués.
- Tu ne
t'appelles donc plus Antoine? lui demanda narquoisement le grand
Guignevent.
- Non,
mon vieux, répondit Minaret avec assurance, et c'est même à cause de
toi.
Comment
ça?
- Quant
on nous rencontrait ensemble, ce qui arrivait souvent, il y avait
toujours un mauvais plaisant pour s'écrier « Tiens! Antoine et son.
»
- C'est
vrai, je te remercie. Mais pourquoi avoir été choisir ce nom de
Félix?
- Parce
que Félix est aussi un de mes prénoms et figure sur mon acte de
naissance au même titre qu'Antoine. Ainsi, à la maison, ma femme m'a
toujours appelé Félix, et notre perroquet ne me connaît pas sous un
autre vocable familier. Ce petit changement, messieurs, n'aura
aucune influence, d'ailleurs, sur mes habitudes hospitalières. Tous
les ans, comme par le passé, je vous réunirai à ma table, non plus
le jour de la Saint-Antoine, mais le jour de la Saint-Félix, et nous
sablerons ensemble, à ma santé, un petit muscadet d'Anjou que vous
aimez tant. J'ai regardé le calendrier et vous donne rendez-vous
dans trois mois. Vous pourrez vérifier que mon perroquet m'appelle
Félix, et cela prouve qu'il ne m'a jamais appelé autrement, car ces
bêtes-là ne démordent jamais des noms qu'on leur a appris.
De
sympathiques poignées de mains accueillirent cette invitation
cordiale. Le grand Guignevent surtout, qui était pas mal ivrogne, se
frotta joyeusement les mains en faisant claquer ses maigres doigts.
Trois
mois après, le couvert était mis et le muscadet rayonnait, comme un
soleil pâle, dans les carafes. Pour recevoir les camarades de son
mari venant célébrer, chez lui la Saint-Félix, madame Minaret avait
revêtu une toilette qui lui seyait à ravir, mettant en relief ses
grâces un peu insolentes de blonde bien portante aux chairs rosées.
Et, de fait, elle était très en beauté, depuis deux mois surtout, et
une singulière belle humeur de femme satisfaite éclatait sur son
riant visage. Je ne sais quoi de rassasié et de serein, de doucement
lassé et de confiant dans la vie avait succédé à ses airs inquiets,
et quelquefois maussades, à ses façons nerveuses et à ses
revécheries d'antan. Je vous prie de croire que Minaret
s'applaudissait de lui avoir donné, en Jack, un compagnon ayant
cette influence heureuse sur son caractère. Le fait est que lui-même
ne la reconnaissait plus: prévenante et pas du tout jalouse, elle
lui rendait la vie absolument charmante. A tous ses amis, il vantait
son bonheur, au grand Guignevent surtout, et avec une joie d'égoïste
féroce, sachant celui ci aux mains d'une vieille épouse acariâtre.
Le dîner
fut d'une extraordinaire gaieté. Le grand Guignevent noya ses
chagrins domestiques dans un vrai flot de septembrale purée.
Au
dessert seulement, on apporta Jack sur son perchoir, ses
familiarités à table ayant paru périlleuses à la maîtresse de la
maison. Le perroquet - ces bêtes aiment extraordinairement la
société - secoua joyeusement ses ailes, lissa les plumes de son cou
du bout noir et luisant de son gros bec, roula des yeux d'or dont le
cercle agrandi ou rétréci donnait la mesure de ses sympathies et de
ses étonnements. Fut-ce timidité de la part de l'ancien pensionnaire
des environs de l'Opéra-Comique? mais il se refusa d'abord à parler.
Mon Dieu, peut-être tout simplement par une coquetterie calculée,
comme les mauvais poètes quand on leur demande des vers. Enfin, il
poussa quelques cris préparatoires et, au moment où toute
l'assistance attendait la phrase sacramentelle annoncée par Minaret,
accoucha de celle-ci, qu'on attendait moins:
-
Bonjour, mon petit Gustave chéri!
Ce fut
une débandade. Minaret se leva, comme si un ressort lui poussait au
derrière. Madame Minaret se troubla visiblement. Les convives
écrasèrent un éclat de rire dans leur serviette.
Ce sacré
Guignevent eut la mauvaise idée de vouloir sauver la situation.
- Comme
ces bètes sont intelligentes! s'écria- t-il. Celle-ci a probablement
deviné que je m'appelais Gustave.
Minaret,
pour cette impertinence, lui détendit la gifle impatiente qui lui
brûlait le poigne. C'est ainsi que la Saint-Foix finit infiniment
moins gaiement que les Saint-Antoine accoutumées! |
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