Epître
d’un perroquet
A.M.
Caillard , Médecin de l’hospice de la Reconnaissance
Ville
d’Avray, 1834
Pendant
six mois que dans votre ménage
Je
fus reçu, j'y fus toujours fort sage.
Vous
le savez, mon bien-aimé docteur,
C'était
à qui vanterait ma douceur.
De
moi jamais on n'avait à se plaindre,
Et
de mon bec on n'avait rien a craindre.
Ce
n'était pas cependant sans dépit,
Que
je voyais sur et sous votre lit,
Un
tas de chiens, laids, véritable peste.
Que
de grand cœur, voyez-vous, je déteste.
Je
me maintins..... pour votre perroquet,
Entre
nous deux, qui n'est qu'un paltoquet,
J'eus
des égards, je maîtrisai ma haine.
Pouvais-je,
hélas ! vous faire de la peine,
A
vous si bon, pour moi si généreux,
Qu'en
y pensant j'ai des larmes aux yeux.
Voyant
venir la fin de ma carrière,
Je
voudrais bien, avant l'heure dernière,
Être
fixé près de vous à jamais,
Me
recueillir, finir mes jours en paix;
J'apporterais
avec moi mon ménage;
J'ai
deux maisons : l'une n'a qu'un étage,
L'autre
en a sept, et j'habite les deux;
Je
ne suis pas, vous voyez, malheureux.
Pour
être admis à la Reconnaissance,
Je
sais qu'il faut son acte de naissance.
Je
suis natif du Brésil, c'est bien loin,
Mais
je pourrais établir au besoin,
Que
dans Paris, au sein de votre France,
Depuis
cent ans je fais ma résidence.
Je
dois aussi vous dire la raison
Qui
me décide à quitter la maison,
Où
je vivais avec une maîtresse,
Qui
fut pour moi si pleine de tendresse :
Pour
commensal j'ai le gros chat Tonton,
Un
propre à rien, un voleur, un glouton,
Un
vieux sournois : sa présence m'agace,
Je
n'y tiens plus, je lui cède la place,
Puis,
en voyage on voudrait m'emmener,
Dans
un sabot ; je n'y veux pas aller.
Accueillez
donc, cher docteur, ma prière,
Ayez
pitié du pauvre centenaire.
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