FABLE
XXXIII.
L’habit
d'Arlequin
Vous
connaissez ce quai nommé de la Ferraillea,
Où l'on vend
des oiseaux, des hommess et des fleurs:
A mes fables
souvent c'est là que je travaille;
J'y vois des
animaux, et j'observe leurs moeurs.
Un jour de
mardi gras j'étais à la fenêtre
D'un oiseleur
de mes amis,
Quand sur le
quai je vis paraître
Un petit
Arlequin, leste, bien fait, bien mis,
Qui, la batte
à la main, d'une grâce légère,
Courait après
un masque en habit de bergère.
Le peuple
applaudissait par des ris, par des cris.
Tout près de
moi, dans une cage,
Trois oiseaux
étrangers de différent plumage,
Perruche,
cardinal; serin,
Regardaient
aussi l'Arlequin.
La Perruche
disait: J'aime peu son visage,
Mais son
charmant habit n'eut jamais son égal;
Il est d'un si
beau vert! Vert! dit le Cardinal:
Vous n'y voyez
donc pas, ma chère?
L'habit est
rouge assurément,
Voilà ce qui
le rend charmant.
Oh! pour
celui-là, mon compère,
Répondit le
Serin, vous n'avez pas raison,
Car l'habit
est jaune citron;
Et c'est ce
jaune-là qui fait tout son mérite.
- Il est vert.
Il est jaune. Il est rouge, morbleu!
Interrompt
chacun avec feu;
Et déjà le
trio 1 s'irrite.
Amis,
apaisez-vous, leur crie un bon pivert;
L'habit est
jaune, rouge et vert.
Cela vous
surprend fort: voici tout le mystère:
Ainsi que bien
des gens d'esprit et de savoir,
Mais qui d'un
seul côté regardent une affaire,
Chacun de vous
ne veut y voir
Que la couleur
qui sait lui plaire.